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J. A. Durbec qui fait autorité dans l’étude des Templiers dans les Alpes Maritimes, indique formellement, «qu’il n’est pas question des possessions du Temple dans le diocèse de Vence avant 1251 », bien qu’il reconnaisse des droits datant de 1235 pour le «castrum » du Broc.
Une découverte faite par L. Dailliez aux archives de la couronne de Savoie à Turin, nous permet d’en savoir plus, il s’agit d’un acte capital de 1195, établi par Pierre II Grimaldi évêque de Vence, donnant au frère Jean et à la milice de Jérusalem de Salomon, la seigneurie de la Bastide-Saint-Laurent et une maison située dans la ville, se réservant le cens annuel de 10 sous, un denier obole et 10 setiers de grains.
La date de l’installation des Templiers à Vence s’opère à la suite de la dernière invasion musulmane de 1190. Pour resituer la menace des Sarrasins dans les Alpes Maritimes, rappelons qu’après avoir été battus par Charles Martel, les Maures se replient en Provence où ils brûlent Cimiez et Lérins en 734.
Les raids se poursuivent ensuite, avec une attaque sur Nice en 813.
Après avoir pris le pouvoir en 822, le comte Hugues d’Arles détruit l’armée sarrasine, avant de céder ses droits au duc de Bourgogne Rodolphe II. Les Sarrasins se regroupent alors dans la Basse Provence.
Commence à ce moment-là, une période sombre pour la Provence orientale qui durera presque un siècle de, 883 à 972.
Installés au Fraxinet (La Garde-Freinet) au- dessus du Golfe de Saint Tropez, au Cap Ferrat et à Eze, les Sarrasins opèrent dans toute la région, ravageant successivement Grassse, Nice, Cimiez, La Turbie et Vence.
Le comte d’Arles Guillaumes et son frère le marquis de Turin Arduin fédèrent les seigneurs locaux dans une sorte de croisade qui aboutit en 972-974, à l’expulsion définitive des Maures de leur repaire du Fraxinet.
Après cette glorieuse épopée, Guillaume dit «le libérateur » assoit son autorité sur une Provence indépendante en prenant le titre de marquis.
Mais la menace insidieuse des corsaires musulmans catalans ou andalous, va se poursuivre par des raids surprises sur les côtes des Alpes Maritimes. En 1047, l’île de Lérins est de nouveau dévastée et les jeunes moines sont emmenés en Espagne musulmane.
L’incendie criminel de la cathédrale épiscopale d’Antibes en 1125, par les princes opposés à l’évêque, sera mis ensuite au compte des Sarrasins qui, donc, sévissaient encore dans la région.
Qui étaient ces pirates enturbannés venus de la mer ? Selon les historiens, des muwallads espagnols convertis à l’Islam ou des mozarabes chrétiens sous domination musulmane du calife de Cordoue.
S’y ajoutaient parfois des apports du Maghreb, comme en 934, quand une flotte arabe, venue d’Afrique et de Sicile, saccage la ville de Gênes.
En Espagne, le roi d’Aragon Jacques le conquérant (1213-1276 ) atténuera le péril par la conquête de Valence et des Baléares. Il en sera de même lors de la reconquête de Murcie en 1243.
Mais il faudra attendre 1492, pour voir les musulmans, chassés de leur royaume de Grenade, quitter définitivement l’Espagne.
Durant tout le Moyen-Age, les inquiétantes felouques des flottilles sarrasines viendront depuis leurs bases espagnoles razzier sans vergogne le littoral des Alpes Maritimes.
L’apport odieux d’esclaves, femmes et enfants, enlevés sur la côte de Nice à Cannes, va constituer tout au long de ces siècles, un commerce florissant, propre à encourager la répétition d’attaques audacieuses dont il faudra se protéger.
Les Templiers vont accomplir la noble tâche de défendre le diocèse de Vence des possibles incursions sarrasines en occupant la Bastide-Saint Laurent, point stratégique admirablement situé sur un piton rocheux, dominant la cité et les collines environnantes, jusqu’à la mer.
Rayonnant depuis cette position fortifiée sur toute la région, l’Ordre va acquérir de nombreux biens alentour, faisant de la commanderie de Vence une maison prospère qui détiendra jusqu’à 88 services dans le diocèse. Sa juridiction va s’étendre géographiquement des hauteurs dominant l’Esteron, jusqu’à la côte, limitée à l’Est par le Var et à l’Ouest par les rives du Loup.
L’histoire de la petite seigneurie de La Bastide-Saint Laurent dont les ruines hérissent encore le Baou des Blancs, haute falaise calcaire dominant Vence, se confond avec le passé tumultueux de l’antique cité.
Selon l’historien local Tisserand, les populations de Vence sous la direction de leur évêque, le bienheureux Deuthère, se seraient réfugiées sur les Baous vers 578, la ville étant saccagée par les terribles Lombards.
Sur les fondations d’un «castellaras » protohistorique, les habitants commencent alors à édifier une grande forteresse pour s’y abriter et quitter les grottes voisines où ils s’étaient cachés avec leurs biens les plus précieux.
Une église dédiée à Saint Laurent y fut consacrée, de cette lointaine époque daterait la fondation de La Bastide-Saint Laurent.
Aucune mention du lieu n’est faite avant la troisième invasion musulmane.
Vers 732, les bandes de Sarrasins envahissent la Provence orientale, à Lérins 505 moines périssent sous les cimeterres, Toulon, Fréjus, Antibes et Nice ne peuvent résister au pillage. Vence est à nouveau complètement rasé et les sommets des Baous servent encore de refuge.
Selon L. Dailliez, cette période mouvementée marquerait la naissance du «castrum » (village fortifié) de La Bastide-Saint Laurent.
Plus précises, les annales de la ville nous apprennent qu’en 933 la population, décimée par une nouvelle incursion sarrasine, regagne la chaîne des Baous et y édifie les premiers éléments de La Bastide-Saint Laurent ou encore Saint Laurent- La Bastide.
Cette hypothèse est soutenue par J.C. Poteur qui ajoute que : « le groupe épiscopal de Vence est reconstruit, sur le site antique ou non loin, dès l’époque carolingienne ».
Toujours à la fin du X ème siècle, de nouveaux seigneurs régionaux de l’entourage de Guillaume de Provence dit «le libérateur », les Mévouillon, vicomtes de Nice, occupent les fortifications de l’éperon du Baou des Blancs où ils dressent un château. La famille de Saint Laurent est présente dès 1033 à la cour des vicomtes de Nice.
La seigneurie transmise aux Templiers en 1195 avec un but militaire évident, leur sera confirmée en 1215, lorsque Rostang de Saint Laurent reçoit les biens du Cayron. Il est invité à cette occasion par l’évêque «à protéger les habitants en veillant sur les gardes de son monastère ».
Le toponyme de Baou des Blancs ou rocher des « Blancs» pourrait être en rapport avec la présence en ces lieux des chevaliers au « blanc » manteau.
D’après J.C. Poteur, au début du XIII ème siècle l’église Saint Martin, bâtie au pied du Baou, aurait été fortifiée par le Comte de Provence, à l’occasion des luttes l’opposant aux aristocrates.
Le château Saint Martin aurait alors contrôlé la voie reliant Vence au Haut Pays, tout en permettant le siège de la forteresse de Saint Laurent La Bastide, échappée pour un temps à la tutelle des Templiers, alliés fidèles du Comte.
Les opérations achevées, Raymond-Bérenger V Comte de Provence cède par acte du 15 décembre 1229 à son loyal serviteur le baron Romée de Villeneuve, entre autres fiefs, ceux de Vence et de Saint Laurent de Vence. Cette décision mettra définitivement fin au consulat de la cité de Vence.
J.C. Poteur émet l’hypothèse d’une éventuelle cession du château saint Martin aux dévoués Templiers, à cette même époque.
Soucieux de stimuler l’économie de Vence, Romée de Villeneuve va y attirer les populations des alentours.
Néanmoins, Saint-Laurent-la-Bastide moins peuplée apparaît affouagée en 1252, puis en 1297, dans l’enquête dite de Saint Jean et encore en 1315. Seule la Bastide est maintenue comme forteresse, avec son église paroissiale.
Le château Saint Martin, faussement désigné comme «castrum »(village fortifié) en 1232, a été supposé devenir au XIV ème siècle une forteresse des Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem, ces héritiers et successeurs des Templiers. Ils auraient géré depuis cette maison leurs possessions locales de Vence et Saint Jeannet.
Cette attribution, à un ordre militaire et religieux, a contribué à amplifier la confusion sur la présence templière en ces lieux, certains y voyant le siège d’une commanderie.
Or les biens du Temple à Vence n’étaient plus, dès 1338, dans l’enquête de ceux relatifs à l’Hôpital, ils avaient déjà été concédés aux seigneurs de Vence.
Le château Saint Martin édifié au début du XIII me siècle par le Comte de Provence, pour asseoir son autorité lors de la guerre contre les aristocrates rebelles du lieu, sera d’abord remis à son fidèle lieutenant Romée de Villeneuve en 1229 et restera ensuite propriété de la famille des Villeneuve-Vence, jusqu’à sa destruction en 1707, par un régiment hongrois des troupes impériales.
Il est donc improbable que cette forteresse ait pu être dévolue aux Templiers puis aux Hospitaliers pour servir de siège à une quelconque commanderie.
Le destin de la première seigneurie templière de Saint-Laurent-la-Bastide va se poursuivre au XV ème siècle où son nom apparaît en juin 1439, dans une contestation des consuls de Vence. Au XVI ème siècle la Bastide-Saint-Laurent est citée le 4 novembre 1553 au côté de Saint Martin, comme nantie d’une chapelle en prébende, sur la liste des paroisses de la viguerie de Grasse.
A l’issue de la deuxième guerre de religion, en 1570, les Protestants en font leur camp retranché. De ce siège régional de la communauté réformée partent les raids qui ravagent la contrée.
Le 22 janvier 1591, une réunion des trois ordres à Aix prend la grave décision de démolir la Bastide-Saint-Laurent, fief et possession du turbulent baron Claude de Villeneuve et refuge important des Calvinistes de la région. Cette mise en ruine d’une possession seigneuriale est renouvelée quelques années plus tard par Richelieu.
L’assemblée dans le souci d’aboutir, décide d’une amende de mille écus en cas de non-exécution. Puis le silence s’installe jusqu’en 1778 où il est question, (A. D. Fond G.) d’un seigneur des Bastides Saint Laurent. Rappelons que dans la moitié du XVI ème siècle, la Bastide-Saint-Laurent était devenue un puzzle de coseigneuries comptant jusqu’à sept seigneurs.
Sur place, c’est à dire au sommet du Baou des Blancs, falaise abrupte de calcaire dominant Vence, on découvre une plate-forme (abordable par les pentes septentrionales) où des vestiges de murs
d’enceinte sont encore visibles.
Ce site dont l’occupation est attestée depuis l’âge du fer, est cerné en éperon barré. Les blocs protohistoriques servent par endroit, de fondation à la muraille médiévale.
Ailleurs, elle suit la dénivellation du terrain.
Au nord-est, sur le point le plus élevé, se dressait le château, avec des murs plus soignés.
On distingue encore les restes d’une chapelle et d’une citerne bâtie à même le rocher. Le tout est daté par les spécialistes de l’époque romane, soit de la fin du X ème ou XI ème siècle.
Cet ensemble de ruines qui parle à notre imagination, est facilement accessible en vingt minutes à pied, depuis la route reliant Vence à Coursegoules (départ d’un sentier balisé à proximité de la carrière).
Du bord de la plate-forme sommitale, un vaste panorama s’offre au visiteur, vers le sud sur la côte, du Cap Ferrat à l’Esterel, le même que celui scruté jadis par les guetteurs templiers.
Dans l’évêché de Vence, l’Ordre disposera de 88 services, le rendement en espèces des tenures s’élevait à 3 livres dont une livre et 4 sous à Vence, 1 livre et 10 deniers au Broc, 4 sous et 10 deniers à Tourrettes, etc…La Gaude, seule, fournissait ses prestations en nature, celles-ci modestes s’élevait à 3 setiers et 3 émines d’avoine.
Une tasque sur 4 pièces de terre et 5 albergues complétaient ces revenus, sans que soient précisés ceux de coseigneurie perçus par l’Ordre au Broc.
Comme toute commanderie, celle de Vence est censée conserver un trésor templier, nous avons vu l’intérêt porté à celui-ci par le chancelier allemand Konrad Adénauer qui aurait fait des recherches
dans le périmètre du domaine Saint Martin où il résida.
De plus, l’histoire locale a longtemps prétendu que les Templiers adoraient en ces lieux une idole en or, un Baphomet, qu’ils auraient enfouie avec leur trésor avant de quitter leur commanderie perchée au sommet du Baou de Blancs.